L'intelligence collective

Les vacances sont finies, je redeviens (un peu) sérieuse.

Quelques réflexions à partager et à traduire en bibliothécais après lecture d'une interview de Pierre Lévy dans le monde (il travaille sur la constitution d'un méta-langage l'IEML) que j'ai découverte grâce à Thierry Crouzet, et à ses très intéressantes remarques sur le sujet.

"(extrait)...Internet n'est-il pas aujourd'hui une immense bibliothèque aux livres entassés en désordre ?
Réponse dePierre Lévy :
En effet. Vers la fin du XVIIIe siècle et surtout au XIXe siècle, sont apparues, avec les fiches de description des livres (titre, auteur, contenu, cote...), ce que l'on appelle aujourd'hui les métadonnées. Ce sont elles qui permettent de naviguer dans le contenu. Aujourd'hui, le grand enjeu d'Internet, c'est bien la question des métadonnées. Peu de gens ont encore pris la mesure du défi que cela représente. Actuellement, les moteurs de recherche utilisent le texte comme sa propre métadonnée en travaillant sur le plein texte. C'est une immense régression par rapport à tout le travail réalisé depuis deux ou trois siècles par les bibliothécaires et les documentalistes. Un retour à la préhistoire. La raison en est l'ampleur du phénomène. Bien souvent, les bibliothèques étaient constituées dans une seule langue et avec une collection d'ouvrages progressivement accumulés. Internet apporte une quantité immense, très hétérogène, multilingue. Il existe aujourd'hui des centaines, des milliers, des millions d'organisations différentes et incompatibles des données. D'où la complexité extrême du problème. Néanmoins, pour augmenter l'intelligence humaine grâce à Internet, nous devons le résoudre..."

Quand je lis que les bibliothèques ont un langage, je ressens une gêne, et je pense aux générations de -thécaires élevées au Blanc-Montmayeur ou à ceux qui se sont battus ou se battent encore pour utilsier correctement Rameau, on aura essayé, ça oui, d'avoir UN langage compréhensible... SEULEMENT par les bibliothécaires
et on s'en est éloignés avec l'arrivée, entre autre, des logiciels informatiques de gestion des bibliothèques, nous nous sommes pliés, ou pas, à des logiciels aux fonctions limitées, qui nous ont vus livrer des combats acharnés et perdus d'avance (allez expliquer à un informaticien ce qu'est un "titre uniforme" et son intérêt) et on ne peut qu'en constater les dégâts lorsque l'on change de logiciel, c'est pourquoi, et je partage l'avis de Thierry Crouzet, Internet n'est pas une régression mais une avancée, voire même une libération, il faut se rendre à l'évidence "...Il n’y aura jamais de métalangage capable de structurer l’ensemble des connaissances et des informations..." Et il n'y en a plus l'utilité : "...D’ailleurs pourquoi inventer un tel langage ? Pour structurer le web au-delà de ce que propose les moteurs de recherche, nous avons découvert il y a trois ou quatre ans une solution : les tags..." "...Les tags viennent qualifier ces liens. Ils ne sont jamais uniques, ils n’obéissent à aucune autre logique que celle des utilisateurs, mais peu à peu ils se renforcent, privilégient des sens de circulation. Le web est un réseau qui apprend, c’est un immense cerveau d’enfant..."

On a envie d'adhérer au joyeux bazar du web et de son non-classement apparent :

"...Nous devons à tout prix éviter d’enfermer le web dans un formalisme qui pourrait l’étouffer. Il serait dangereux de vouloir retrouver un semblant d’ordre classique. Avec l’hypertexte, le lien non hiérarchique entre deux informations, nous avons découvert la classification du millénaire à venir..." Voilà tout est dit ?

Par contre à nous bibliothécaires de l'assimiler car il s'agit d'une logique totalement différente de ce à quoi nous avons été formés, voire même contre-nature "... Internet est désordonné seulement si on le regarde avec les yeux d’un bibliothécaire du dix-neuvième siècle, voire du vingtième. Il est désordonné parce que l’information n’est pas hiérarchisée, n’est pas rangée dans des cases elles-mêmes rangées dans d’autres cases. *Sur internet, ce désordre apparent cache une structure bien plus subtile, proche de celle de nos cerveaux, un réseau d’interconnexion entre les informations. La structure n’y est plus hiérarchique mais topographique : il existe un chemin de telle information à telle autre. La largeur du chemin et sa distance suffisent à déterminer leur proximité. Cette organisation autorise des relations de n à n sans aucune limite. On est passé du 2D des bibliothèques au multidimensionnel..."
A suivre...

en attendant je viens de me fâcher avec tous les catalogueurs unimarciens !



*C'est un peu ce qui nous avait été expliqué de façon plus scientifique à la journée de l'AFAS sur "les nouveaux outils du traitement documentaire"....

Commentaires

Anonyme a dit…
Sophie, tu commences à faire des billets sérieux, méfie-toi, tu vas virer bibliothécaire... :-)

Je ne suis pas accro aux normes et je crois beaucoup en l'avenir des tags sur internet.

Les tags sont pour moi l'un des moyens pour les internautes de s'approprier les ressources numériques.

Cependant, je pense que les bibliothécaires ont un rôle à jouer avec l'utilisation de métadonnées dans l'indexation du web. Il faut bien sûr adapter et simplifier les langages documentaires actuellement utilisés. Comme symptôme de cette nécessité, il y a de plus en plus de sites web 2.0 utilisant les tags qui mettent en place une sorte de hiérarchisation des tags (voir del.icio.us ou flickr).

L'un des vertiges des métadonnées bien conçues et généralisées, selon le concept de Pierre Levy, c'est la communication/la relation directe entre document/page web grâce à ces métadonnées. Flippant, non?
Anonyme a dit…
Ahhh merci merci, alléluia (mais je m'égare...) !
A bas Rameau, je serai excommuniée je sais, tant pis ! Bibliothécaires iconoclastes, unissons-nous !
(et vive les forums :p)
Sophie Bib a dit…
Marie : de rien, ok pour l'union des bibliothécaires iconoclastes on devrait être nombreux ;-)

Cher Xavier,
Tout d'abord merci de ta sollicitude en veillant à ce que je tourne pas mal ;-)

Entièrement d'accord avec toi sur l'appropriation des ressources numériques par les tags mais je ne crois pas (ou plus) à la hiérarchisation, parce que c'est instaurer des contraintes, contraire aux principes du web 2.0 et du web en général d'ailleurs, auxquelles ne se plieront pas les internautes (en tant qu'utilisatrice j'ai déja vu quelque part des indications sur l'orthographe à utiliser pour les tags et j'avoue l'avoir complètement zappé, "I'm free" réaction épidermique à un excès d'indexation? ;-).
Pour moi la solution pour gérer des flux qui sont tout sauf gérables viendra de la toile elle-même, voire même des internautes et comme le dit Thierry Crouzet le web est un réseau qui apprend...
Depuis tout temps nous avons essayer d'avoir un langage commun dans nos bibliothèques, centres de documentation etc.. On essaie d'appliquer nos structures humaines, variables en fonction de beaucoup trop de facteurs, et ou malgré tous nos efforts on ne peut faire abstraction de notre personnalité, de notre vécu, de notre culture, de notre ignorance lorsqu'on attribue un tag/ mot matière à un élément que ce soit livre, cd, image, musique ou autre ressource. c'est ce qui fait qu'on est humain (heureusement pour nous et malheureusement pour l'indexation qui à la moindre faille met tout le processus par terre.
Qui aura l'idée d'aller faire une recherche sur le coq de bruyère au tetras-lyre si on a oublié le renvoi ou parce sur de soi en tant que chasseur du dimanche on est persuadé que c'est son seul et unique nom ?
On doit se sortir de l'esprit cette idée de hiérarchisation, mais tu as raison il faudra ,continuer à taguer, à indexer... oui absolument, mais pas hiérarchiser.
libérons-nous de ce joug laissons faire les machines elles le feront mieux que nous... En fait j'aurais encore plein de choses à dire mais ça va devenir ennuyeux ;-) on en reparlera autour d'une bière ?

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