petrole, bleus à l'ame

un post sans bibliothéconomie dedans, si ce n'est que je connais une bibliothécaire bientôt au chômage ! Un billet avec des couilles (désolée c'est le terme que je trouvais le plus adéquat ;-) et peut être un peu long à lire...

Vous pensez que je passe mon temps à vous raconter ma vie ? Non non détrompez-vous je tentais de garder étanche certains cloisonnements qui ont commencé à se fissurer lors du vote d'Archimag ou j'ai découvert qu'Eric Besson en plus d'être une personnalité de l'info-doc allait bientôt devenir un centre d'intérêt dans ma vie privée tout comme les 20h de TF1 et de France 2 ! Oui je sais ça fait peur :-(
Donc pour une fois je vais vous parler de ma vraie vie de housewife totalement desespérée !

Je ne vais pas remonter à ma tendre enfance mais juste à mon adolescence urbaine.
J'ai grandi entre Rhone Poulenc, la RNUR et sa fonderie (à prononcer avec l'accent elbeuvien qui lui donne toute sa saveur ;-) et les raffineries.

Raffineries, dont vous n'imaginerez jamais l'influence, quand ado, vous montiez sur les hauteurs de la vallée de la Seine à la nuit tombée pour admirer le paysage qui vous transportait à New York, enfin c'est comme ça qu'on l'imaginait en regardant les cheminées illuminées, et j'avoue après avoir vu New York que finalement c'était assez ressemblant. Sauf qu'il n'y avait pas la R5 et son auto-radio à fond diffusant "Stairway to heaven" (minutieusement enregistré sur LA cassette qu'on avait avec soi en permanence) pendant qu'on fumait des pétards qu'on s'extasiait devant la beauté du paysage.


J'ai même débuté ma carrière de bibliothécaire dans une ville ou le pétrole et la TPI donnait des budgets qui  faisaient de nous les rois.. du pétrole. Sauf que dans une petite ville au fond du pays de Caux ou le tiercé reste l'activité principale, la culture et le sport pourtant quasiment gratuit était finalement réservée à une petite élite....
Bref, foin de ces considérations bibliothéconomiques, c'était l'époque de la R5 et, si vous vous souvenez, aussi des shampoing Petrole Hahn, une époque ou l'on pouvait encore penser que le pétrole soignait ! Qui n'a pas connu les shampooings au goudron et leur odeur caractéristique (j'adorais cette odeur, tout comme j'adore l'odeur du white spirit, oui je sais...;-)


A l'époque l'écologie, le développement durable...  C'était pour nous associé aux doux rêveurs partis élever leurs chèvres sur le plateau des millevaches et dont on n'entendait plus beaucoup parler.
On entrait dans ces industries quasiment de père en fils, comme ça avait été le cas le siècle précédent avec les filatures chez qui, inversement, on entrait de mère en fille.
L'avenir c'était de rencontrer un prince charmant un mec qui travaillait à la "Shell" ou à la RNUR et d'arrêter de bosser (si on avait eu le temps de commencer) pour élever les mômes (non, non ! Je caricature à peine ;-) les salaires permettant, en effet, de vivre à 4, voire plus sans problèmes.
En même temps il n'était pas rare de voir les "hommes" rentraient à 7h du mat', après un quart de nuit, sur la "bleue", avec la "maïs" et le "bol" réglementaire pour enchaîner après un café/calva une journée à s'occuper des bêtes et des cultures ! Certains faisaient des dizaines de kilomètres en mobylette après une nuit de travail avec parfois une surprise dans les sacoches : un chaton dans le meilleur des cas, mais parfois un marcassin sauvé d'une mort certaine parce que tombé dans une cuve vide.... Peut être aussi pour faire oublier les Noëls passés sans eux ? (Non ce n'est pas pour ça que je n'aime pas Noël ! ;-)
On m'a encore, récemment, narré le sauvetage d'un petit lapin pris dans le courant d'une évacuation d'eau de pluie, incapable de remonter le courant pour regagner une rive hypothétique et sauvé par un sentimental qui lui a jeté une gamelle pour qu'il s'y réfugie ! (NDLH : On pourra noter aussi au fil du temps l'évolution entre ceux qui posaient des collets pour attraper des garennes dans les parcs de stockage et ceux qui aujourd'hui pleurent quasiment parce qu'au cours d'une ronde ils n'ont pu éviter le lapin ébloui par les phares de la voiture de service ;-)

Et puis est arrivé le premier choc pétrolier, ou l'on a commencé a avoir des idées au lieu d'avoir du pétrole.
Cependant le raffinage tout comme l'industrie automobile et quelques autres industries, aujourd'hui totalement déconsidérées continuaient à être les principales sources d'emploi de la région.
On continuait à faire des projets, à faire rêver les enfants avec des lapins ou des chats et les fameux marcassins, je me suis battue encore récemment contre le reste de la maison qui ne comprenait pas pourquoi je ne voulais pas de ce futur cochon sauvage si adorable !
Alors c'est vrai on vit dans des zones classées Seveso, on sait que peu se mobiliseront pour défendre les fermetures de ces entreprises parce qu'elles puent, parce qu'elles ont pollué, parce qu'elles sont des verrues dans le paysage urbain. Il vaut mieux aller construire au Qatar ou l'on peut recommencer à polluer sans vergogne, à exploiter un autre catégorie de main d'oeuvre et balayer tous les combats qui ont permis des acquis sociaux, de faire évoluer les mentalités et les normes environnementales... Et incidemment d'augmenter les coûts de production.
Grâce à elles, je me suis construite, j'ai des souvenirs d'humanité qui ont bercé ma jeunesse et sont à jamais gravés dans ma mémoire, au point que pour moi aujourd'hui le mot grève veut systématiquement dire manifestation et défilé dans la rue !
Défilés joyeux sous couvert des gros bras des industries locales, avec lesquels on se sentait invincibles et prêts à révolutionner la terre entière, des défilés ou on emmenait les enfants qui trouvaient que l'on marchait trop, que ça faisait trop de bruit mais qui aujourd'hui sont prêts à prendre la relève....
Enfin si ils en ont un jour la possibilité, si on ne leur laisse pas un pays sans avenir, sans âme, sans aucune perspective de défendre autre chose que leur survie !


et comme un mauvais clin d'oeil qui me revient en pleine figure
 un extrait de "bleu pétrole" de Bashung

Commentaires

Unknown a dit…
Bonjour
la nostalgie est toujours ce qu'elle était...très beau billet, dont je partage certains souvenirs -j'étais plutôt 2deuch..- mais pas tous les regrets.
j'espère que la bibliothécaire qui va se retrouver au chômage, ce n'est pas vous. En tout cas je vous souhaite de retrouver le moral et être moins "desperate"
cordialement
Alain
Michèle a dit…
Le monde ouvrier que j'ai connu n'est pas tout à fait le même (tissage, tannerie ) il faisait moins penser à New York mais il avait quelque chose de grandiose qui rendait les gens fiers même en mobylette...Je vis dans une région depuis longtemps désenchantée mais qui se bat encore et toujours contre les promesses non tenues. Je suis depuis assez longtemps ce blog et j'avais cru comprendre sur facebook que cette histoire de raffinerie vous touchait de près ... et j'ai une petite pensée pour vous, sans vous connaître en ce moment à chaque flash d'infos.
Bien cordialement
Marie, Pierre a dit…
On oublie parfois que même les bibliothécaires cyberdocu ont été petites et parfois même le sont restées avec de vrais morceaux de nostalgie dedans. ça vous va bien de vous évader de votre ruche ; quand je passe en me bouchant le nez du côté de Feyzin, la vallée de la chimie près de Lyon, je ne peux m'empêcher de trouver magnifique ces agencements de métal et de lumières. Et bien sûr ça veut dire du boulot, des gens, et toutes ces contradictions que vous décrivez si bien dont on ne sait pas toujours quoi faire : se retrouver dans une manif avec les mecs de GIAT pour la défense de l'emploi et ce genre de trucs... Quant à Bashung Manset sur fond d'Etretat, y a même pas besoin de pétard.
Clotilde a dit…
Moi aussi sur les hauteurs de Rouen j'ai rêvé devant les illuminations de la zone industrielle. Mais en 4L. Quel beau billet !
Anonyme a dit…
Keep on walking ,Bib !!!
Claude Taleb a dit…
Bonjour,
Rouennais de toujours j'aime bcp ce billet. Le dicton africain dit que quand un vieillard meurt c'est une bibliothèque qui disparaît. On failli entre noel et le jour de l'an rayer ainsi d'un trait de plumes 550 salariés et autant d'années de formation, de travail, de compétences.. je trouve cela insupportable, insoutenable comme on dit chez les écolos. Je suis aller leur dire à l'AG jeudi midi
Anonyme a dit…
On ne sait toujours pas pourquoi il n'y a eu aucun licenciement lors du rachat de la raffinerie à Shell (fait sans doute unique dans l'histoire de rachats d'entreprises), on ne sait toujours pas pourquoi il n'y a eu aucun mouvement social d'importance lors de la fermeture de Reichstett, ni ce que sont devenues les 80 personnes qui travaillaient au centre de recherches Shell qui est censément fermé ? Fermeture qui a donc conduit à terme au projet d'arrêt de l'unité des huiles.
Par contre on sait que ce n'est pas l'Ecologie ni la protection de l'environnement qui ont conduit à la situation actuelle mais bien la spéculation financière.
Cordialement.
florentb

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