public chéri mon amour

Au départ ce billet devait être un commentaire chez @liberlibri mais au vu de la longueur et de ma dérive qui me fait devenir hors-sujet, je le publie ici avec un lien vers le billet de @liberlibri à lire quand même avant ce qui est écrit ci-dessous
(Préambule linguistique : BU = Bibliothèques universitaires, BM = bibliothèques municipales)




A lire les blogs ici et là, la rentrée s'annonce plutôt morose dans la biblioblogosphère, à cela s'ajoute les Cassandre qui tirent à vue : si tu as plus de 40 ans et que tu es bibliothécaire le mieux est de t'enfermer dans ta bibliothèque et de n'en sortir sous aucun prétexte et surtout de te déconnecter du web (de toutes façons d'après certains tu sais à peine ce que c'est ;-) Oui je suis une fois de plus un peu énervée et même en colère, une colère saine, je l'espère, qui me fera évoluer et peut être même faire mon mea culpa dans quelques semaines ou plutôt dans 6 mois...
Pourquoi 6 mois ? : Une promesse/engagement prise avec Daniel quant à la prédiction du remplacement des livres par les liseuses/Livrels/ebooks (déjà quand on sera capable de se mettre d'accord sur un nom pour cet objet...) dans une discussion qui faisait suite au billet de Liberlibri.
Ce billet court et cependant très révélateur portait sur la pratique des usagers en BU et si je suis d'accord avec elle, je diverge totalement de certains avis émis en commentaires qui font, à mon sens, un amalgame entre les publics aux motivations différentes des BM et BU.
Je m'explique : qui dit public captif dit obligation, c'est effectivement le cas du public de BU qui a obligation de lire certains manuels dans le cadre d'un cursus universitaire et ces manuels se trouvent à la BU, donc ils vont à La BU de façon obligée. Il n'en va pas de même du public qui fréquente les BM. Ce n'est pas un public captif car il n'y a aucun caractère obligatoire à ses lectures. C'est pourquoi, je pense,  ce public ne ressentira pas le besoin de télécharger illégalement des livres pour les lire dans des conditions précaires ?
Si les BU ont à craindre, à juste titre, la perte de ce public captif, qui trouvera par d'autres biais ce dont il a besoin et continuera à assimiler la BU à une obligation, je pense qu'il n'en va pas de même pour les BM parce qu'elles proposent une lecture "loisir" (je déteste ce terme qui donne à  la lecture ou l'écoute de musique un caractère festif le dissociant des pratiques culturelles)
CEPENDANT ne nous réjouissons pas trop vite, il y a danger aussi pour les BM et ce danger ne vient pas des liseuses et des téléchargements numériques de livres (une pratique peut s'ajouter à une autre sans la remplacer ?). Les amateurs de liseuses continueront à cotoyer les lecteurs papier (à condition bien sur que les bibliothèques aient une offre à destination de ce public de niche)
Le danger vient de la dispersion de l'acte de lecture, on continue à lire mais plus de la même façon : de (courts) articles sur le net et surtout Le temps pour la lecture "classique" se réduit de plus en plus, nous sommes sollicités par Internet, nous y passons le plus clair de notre temps et un sondage récent vient de faire état d'une augmentation passée devant la la télévision "moderne" (j'entends par là la TV liée aux box qui propose désormais les chaines Youtube, Dailymotion, etc... que l'on regardez auparavant sur son PC et qui pourrait expliquer ce revirement de situation quand on pensait la TV en passe de perdre son monopole) Très logiquement il y a une pratique qui fait les frais de ce temps non extensible et c'est dans la plupart des cas la lecture "loisir".
On voit de moins en moins de "gros" lecteurs dans les bibliothèques, on constate aussi que de plus en plus  nos emprunteurs quand on leur conseille un livre de plus de 700 pages nous disent "je vais le lire pendant les vacances" Et c'est là que moi aussi je vais faire un amalgame qui va me valoir les foudres des amateurs de liseuses : Emmène-t-on une liseuse à 200 € et plus sur la plage de la même façon qu'on emmène un poche à 5€ ? Par contre sur la plage on prend son téléphone et de plus en plus nos téléphones sont connectés à Internet... Ce qui fait que même ce temps passé sur la plage habituellement consacré à la lecture se trouve grignoté...

Si les bibliothèques ont à craindre ce n'est pas des liseuses mais du manque de temps consacré à la lecture ?
On en reparle dans 6 mois ? En comparant les chiffres de vente des tablettes tactiles (type Ipad) et des liseuses ?

Commentaires

liberlibri a dit…
Dans mon titre provocateur concernant le public dit captif, il y avait une inquiétude : comme nous considérons ce public comme acquis - nous pensons qu'il a besoin de nous, nous ne préoccupons encore peu de ce que nous pouvons lui apporter de nouveau. De ce point de vue-là, je pense que nous avons beaucoup d'enseignements à puiser dans les pratiques des BM. Mon autre inquiétude quand j'ai publié ce billet était que nous devrions être capables d'analyser les nouvelles formes de lecture comme tu le fais et réagir rapidement pour proposer des services adaptés à elles. Quand l'usager m'a dit qu'il ne reviendrait pas, je me suis dit qu'on ne s'était pas adapté (sinon j'aurais pu moi-même lui proposer une version électronique) et ça m'attriste.

Promis, on en reparle dans 6 mois !
Lirographe a dit…
Pourquoi un danger ? Le mérite d’une bibliothèque ne se mesure pas à l’épaisseur des livres prêtés (quoique… une prime au bibliothécaire qui a prêté le plus de livres de plus de 500 pages ?). Des pratiques nouvelles apparaissent (téléchargement, temps de lecture en ligne…) sans faire disparaître les précédentes, comme vous le dites très justement. J’emprunte un CD à 15h dans ma bibliothèque préférée, j’en télécharge un autre à 21h sur mon ordinateur. Ceux qui lisent le plus, que ce soit en ligne ou sur papier, restent plus ou moins les mêmes… Non ?


En revanche, votre opposition entre lecteur "obligé" de lire un livre en BU et lecteur de BM me paraît un peu étrange. Je suis sans doute une personne extrêmement bizarre, mais je suis prêt à télécharger un document introuvable si c'est pour mon bon plaisir, plus encore, peut-être, que pour un impératif professionnel ou universitaire quelconque. Vous ne les aimez pas, ces lectrices qui veulent lire CE livre et pas un autre ? ("Mais... j'avais réservé le dernier Katherine Pancol et vous ne l'avez toujours pas ???")
Sophie Bib a dit…
A force de commenter un peu partout je sème et j'en oublie : vous avez entièrement raison sur le terme le terme "danger" je me suis reprise dans un com' chez @liberlibri mais n'ai pas fait la correction dans mon billet !

"Ceux qui lisent le plus en ligne ou sur papier restent plus ou moins les mêmes ?" Oui comme ceux qui écoutent beaucoup de musique continuent à avoir des CD, des vinyles... C'est ce que j'essaie d'expliquer à ceux qui pensent que la liseuse va remplacer le livre.

Par contre je ne comprends pas bien la fin de votre com' télécharger un doc introuvable pour votre plaisir ne fait pas de vous un lecteur obligé mais bien un lecteur plaisir ?
Et que viennent faire les lectrices de Pancol dans l'histoire (et pourquoi lectrices cela peut être aussi des lecteurs ;-) ? Il sera assez facile de les faire patienter en leur conseillant autre chose (Musso ? n'y voyez aucun mépris je n'ai pas d'avis sur les lectures de mes emprunteurs ;-) Il sera par contre impossible de faire patient un étudiant qui aura l'échéance d'un partiel ?
Anonyme a dit…
Sur l’opposition BM/BU, je dois être un cas un peu à part.

En effet, j’allais à la BU plus souvent par plaisir que par obligation : c’était l’endroit où il était possible de lire des bouquins (techniques) quasiment introuvables autrement (à l’époque, fallait pas trop compter sur le net). Et c’était aussi l’endroit où le niveau technique était suffisamment poussé.

Tu noteras que je fais fi de tout accueil ; je ne me souviens même pas d’un(e) seul(e) bibliothécaire. J’allais directement au rayon qui m’intéressait : l’informatique.

Et comme en la matière, je suis très curieux, les BU étaient une source en or sur le sujet ! J’adorais tomber sur des vieux bouquins des années 1970 ô combien instructifs.

À l’opposé, je suis très rarement entré dans une BM que j’associe facilement avec la médiathèque du collège (plein de bouquins peu ragoutants et rien qui aide à tomber sur la perle rare).

Déjà, je n’ai pas souvent eu un accueil engageant. Ensuite, ce qui m’intéresse c’est justement des bouquins limites introuvables. Malheureusement, en matière d’informatique, c’est rarement la joie en BM. Souvent des livres pour grands débutants. Par exemple, recherche algorithme ou traitement d’image, perl, script shell, visual studio, C#, processeur Arm sur rnbi.rouen.fr, ça ne va pas bien loin.

Mais l’informatique est peut-être un mauvais exemple compte tenu de l’évolution des technologies (quoique…).
dbourrion a dit…
Plusieurs remarques en vrac :

- l'argument coût de l'appareil ne tient pas à court terme (les prix des livrels baissent à mesure que la production industrielle augmente). User de cet argument, c'est faire l'erreur d'une maison de disque disant "le mp3 ne marchera pas les lecteurs coûtent trop cher..." il y a cinq ans...

- tablettes ou livrels (lcd ou eink) c'est la même problématique

- le contre-argument "le mp3 est un mauvais exemple, un album s'écoute par morceaux - entendez single - mais pas Guerre et paix" est... un mauvais exemple car d'une, on peut imaginer une littérature plus adaptée aux supports mobiles, plus fragmentée (elle est déjà là) ; de deux, on peut découper Guerre et paix pour le lire par chapitres ; de trois, Guerre et paix est beaucoup plus maniable dans un livrel qu'en pléiade, essayez, vous verrez

- l'argument 'lecture imposée en bu, pas en bm' ne tient pas : l'écoute de la musique n'est pas obligatoire, relève du plaisir (comme la lecture plaisir dont tu parles) et justement le mp3 a tué le cd..
C'est justement parce que par recherche du plaisir, on veut aller au plus vite et obtenir ce qui nous fait plaisir, rapidement, que le numérique prend la place du non-numérique. Pourquoi devrais-je attendre trois semaines pour lire tel roman en papier, si je peux le lire de suite et confortablement sur un livrel, quitte à le télécharger illégalement ?

- il ne vaut pas confondre esthètes et non-esthètes... La musique c'est mieux avec un vinyl et du matériel hifi très haut de gamme, et encore mieux en concert, dit l'esthète. Le non-esthète, le mec normal quoi, se contrefout de savoir que le mp3 écrase certaines fréquences : il veut juste sa musique sur son lecteur, et basta. Pareil pour la lecture : le bibliothécaire va te dire qu'il vaut mieux lire Guerre et paix sur papier bible (ah l'odeur du papier...), le lecteur lira des morceaux de ce qu'il a trouvé sur le net, sur un livrel, un ipad, l'écran miniscule de son smartphone, et basta :-)
Sophie Bib a dit…
Ou comment concilier l'inconciliable... J'aime bien ton com' car tu n'est pas un cas si isolé... Je remplace le tu par le vous car vous êtes un certain nombre à lire ce blog sans mettre pour autant les peids en bib suivez mon regard --> ;-)
Vous véhiculez une image vieillotte des bibs mais comme en même temps tu ne passes jamais le seuil d'une bib tu ne vois que les choses peuvent avoir changer ? La question est comment te/vous faire venir à la bib ? Vos goûts on ne les connait pas puisque vous ne venez pas.
Et c'est vrai que tu ne trouveras pas d'ouvrages très pointus, le choix est fait de tenter de contenter la majorité des emprunteurs (ceux qui ont fait la demarche de s'inscrire) et nos budgets non extensibles ne permettent pas des achats qui ne contenteront qu'une frange marginale de notre public et en l'occurrence même de non-inscrits. Quant aux ouvrages d'informatique des années 70 dans nos bibs, je préfère même pas développer et te renvoyer vers... Lirographe qui doit être en train de se rouler par terre ;-)

Alors que faire ? De quoi as-tu envie ? Pourrait-on arriver à te/vous concaincre qu'aller à la bibliothèque est un acte citoyen comme aller voter ? un acte militant : défendez-nous sinon on va crever? Venir à la bibliothèque est un acte social ? Que ce sont tes impôts qui financent une partie de ces structures alors au lieu de râler viens le dire haut et fort (enfin pas trop fort ;-) dans les bibliothèques !

PS : C'est quoi une bibliothèque de collège ? Un CDI ?
Sophie Bib a dit…
je savais qu'il fallait pas que je commente que nous allions retomber dans un puits sans fond;
alors en vrac aussi :
- Je n'ai jamais argumenté sur la qualité sonore des MP3 VS vinyles, la qualité du papier je m'en contrefiche aussi...
- Suis pas d'accord le CD n'est toujours pas mort et cohabite avec le MP3, ce qui le tue ou tue la musique plutot ce sont les moyens de diffusion et tout le système et là le pb est effectivement similaire avec le prix, les DRM liés aux livres sous formes numériques...
- Je ne vois pas le rapport entre lecture imposée obligatoire et le MP3 qui a tué le CD ?

Pour conclure vite fait : "on peut imaginer une littérature plus adaptée aux supports mobiles, plus fragmentée (elle est déjà là) ; de deux, on peut découper Guerre et paix" on est d'accord ce sont nos pratiques de lecture qui changent et c'est de là que vient le "danger" ?
Anonyme a dit…
Je crois que tu as mis le doigt sur un problème de base : « le choix est fait de contenter la majorité des emprunteurs ». Ce choix est tout à fait justifié, difficile de le remettre en cause sur le principe.

Mais (bien sûr, il y a un mais, tu t’en doutais ;-) ) c’est l’une des raisons pour lesquelles je ne regarde pas les grandes chaînes télé généralistes : leur choix est aussi de contenter la majorité des téléspectateurs… Je sais, ça va tiquer, je viens de comparer une BM à TF1… La différence se situe seulement sur le fait que TF1 cherche à tirer les cerveaux vers le bas tandis que la BM cherche à les tirer vers le haut. Mais dans les 2 cas, vous vous adressez à la masse.

« Vous véhiculez une image vieillotte des bibs »

Phénomène bien naturel de rejet dû à tes prédécesseurs. Exemple : ce n’est qu’après 25 ans que j’ai pu apprécier le chou-fleur cuit. Pourquoi ? Parce que la cantine scolaire nous servait une sorte de lavasse bouillie qui aurait dû être du chou-fleur cuit. Même topo pour les bibliothèques (ou CDI, c’est comme tu veux) pour lesquelles le contact au collège n’est pas accueillant : Taisez-vous ! Silence ! Arrêtez de circuler sans arrêt ! Qu’est-ce que t’as fait au bouquin ? Si vous n’avez rien à faire, allez en permanence ! etc. Sans parler du choix des livres bien entendu adaptés à un public mineur, donc sans la moindre allusion à ce que peut être la sexualité. Normal, ça n’intéresse personne à cet âge.

À moins de tomber sur quelqu’un qui me refasse prendre goût aux bibliothèques, je ne suis pas prêt d’y mettre les pieds.

« Vos goûts on ne les connait pas puisque vous ne venez pas »

Et nous ne venons pas parce que vous ne connaissez pas nos goûts ;-p

Plus sérieusement, ce n’est pas que vous ne connaissez pas nos goûts, c’est que le manque de budget et de ressources humaines ne vous permet pas de couvrir tous les goûts.

« Que ce sont tes impôts qui financent une partie de ces structures »

Ai-je jamais râlé parce qu’on mettait du fric dans les BM ?

« Venir à la bibliothèque est un acte social »

C’est quoi un acte social ? social dans le sens « aider les nécessiteux » ou dans le sens « rencontrer d’autres personnes » ?

« De quoi as-tu envie ? »

Une bibliothèque au rez-de-chaussée de mon immeuble ? Dans laquelle on pourrait manger et boire dans de vrais fauteuils confortables (avec couvertures) avec une bonne musique d’ambiance (un truc calme, genre metal ou fusion) ? Un endroit où tu pourrais baffer le p’tit con en train de déchirer des livres ? Un endroit où l’on peut écouter les CDs avec un VRAI casque et pas une bouse comme il y en a à la Fnac ? Un endroit où on pourrait consulter les avis d’autres lecteurs sur n’importe quel livre (quel qu’éclairé que soit l’avis du bibliothécaire sur un ouvrage, ça sera toujours son avis) ? Un endroit où l’on puisse consulter des fiches d’auteurs pour savoir pourquoi il est connu et ce qui est intéressant dans son œuvre (toujours avec les avis d’autres lecteurs) ? Un endroit où je pourrais être seul pour lire sans devoir ramener le bouquin chez moi ?

Comme tu peux le constater, je ne suis pas de très bon conseil sur ce coup ;-)

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