rencontre du 3e lieu

Sauve qui peut : on veut transformer nos bibliothèques en bistrots !

Bon d'accord j'exagère, mais à peine, car depuis quelques temps fleurissent sur les lèvres, les tweets ou les posts ce terme de "Bibliothèques 3e lieu" (et les journées d'étude qui vont bien commencent à fleurir). Certains se jettent dessus comme la misère sur le monde voyant dans ce nouveau concept une planche de salut face à la sinistre augure que dans quelques années seules resteront les bibliothèque patrimoniales.

Au fait c'est quoi le 3e lieu ? Tout d'abord d'après Ray Oldenburg le premier lieu serait le foyer, le second le travail et le troisième lieu celui de la socialisation, de la communauté, bref l'endroit ou l'on peut se réunir et échanger d'ou ce qui vient immédiatement à l'esprit : le café ! 
(Ce concept daterait des années 80, même si on a l'impression qu'il a toujours existé, d'accord avant il y avait le café ET l'église) C'est un concept qui vient d'outre atlantique et se développe notamment en Angleterre et en Europe du Nord (je me demande d'ailleurs dans quelle mesure notre définition du bistrot par rapport au pub n'aide pas au développement de cette idée en France ;-)


Cela fait longtemps que les augures nous annonçait ce rapprochement, on savait déjà en interrogeant la pythie Google à propos de l'ABF qu'elle nous répondrait : "association des barmen français" ! De même régulièrement tombent dans nos readers pour la requête "discothécaires" des résultats liés aux boîtes de nuit ! Et tout bon discothécaire a déjà eu droit à : "Tu es serveu(r)se dans une boîte de nuit ?"
Donc la bibliothèque comme bistrot 3e lieu avait un petit air de déjà lu.

Je caricature à dessein ce 3e lieu, car non la bibliothèque ce n'est pas le bar-tabac-PMU de la rue des martyrs. Bah nan ! Faut pas mélanger les torchons et les serviettes et comme le dit Daniel Bourrion au troquet on peut lire et boire, à la bibliothèque on peut lire et... Pas boire ! Même si un architecte lors de la construction d'une médiathèque disait (avé l'assent) : "dans une bibliothèque on doit pouvoir boire, fumer et b...
Alors quoi tout le monde le penserait sauf les bibliothécaires ?
Pourquoi pas ? Mais faudrait quand même pas que ce soit l'argument de plus pour désorganiser et piétiner les quelques missions que l'on tente de justifier faute de la légitimité qu'aurait pu poser une loi sur les bibliothèques et finir par saouler noyer les bibliothécaires qui tentent de s'accrocher en portant à bout de bras cette mission souveraine que reste l'accès à la culture. La période est trouble, on manque de repères ne nous jetons pas sur ce qui ressemble à une vague planche d'un futur hypothétique, essayons de construire du plus solide.

Tout le monde sait que les bibliothèques si elles sont bien le lieu de la mixité comme l'a montré l'enquête du CREDOC, elles ne sont absolument pas reconnues, à l'heure actuelle par une majorité de personnes, comme lieu communautaire ou comme lieu ou l'on échange (chuuuuuuuuuuut ! allez échanger dehors vous faites trop de bruit ;-). A lire un peu partout on a l'impression que les bibliothèques sont le lieu idéal pour faire des rencontres... (A part dans la mienne qui doit être un cas à part, j'aimerais bien voir des amours, des amitiés prendre naissance à la bibliothèque mais en 20 ans j'ai jamais vu...)


Je suis donc très partagée sur cette notion de 3e lieu, même si je l'avoue j'ai un peu envie d'y croire (parce que moi aussi je suis un peu perdue) : avoir une communauté (ouverte) qui se retrouve à la bibliothèque qui vit, qui échange ... Mais qui ne viendrait pas QUE parce qu'elle pense trouver un café, une assistante sociale ou un relais ANPE comme dans les IDEA store anglais, non une communauté qui se constituerait autour d'un vrai objectif culturel.... (Soupir)


Ceci était un billet de (mauvaise) humeur un peu écrit sous le coup de l'énervement, peut être que demain je ne jurerais plus que par ce 3e lieu...

Commentaires

François "shoe lover" Lemarchand a dit…
Je suis d'accord sur l'essentiel. Ce qui me gêne dans toute cette histoire, c'est de vouloir plaquer des concepts à toute force, des slogans, ça fait trop penser à cette #@!!! de logique de projet.

Si on veut que ça marche, les choses doivent se faire naturellement.

Toutes ces histoires, c'est pour nous faire avaler les coupes budgétaires à venir, pendant qu'on sera occupés à faire "du lien social", comme ils disent, tchac !

J'ai une théorie là dessus, si les gens ne sont pas utilisateurs des médiathèques, c'est parce qu'ils ont une vie de merde, des horaires à la con et que les temps sont durs... Faut pas pas chercher plus loin... Prenez le succès des structures d'accueil de loisir, ou périscolaire, on peut s'en réjouir évidemment, mais au fond, est-ce que cette fréquentation n'est pas due au fait que les gens sont bien contents de les trouver faute de temps à passer avec leurs enfants ? faute de temps pour eux, tout simplement ? Il faudrait peut-être prendre le problème à la racine.

Mon sentiment est qu'on peut mettre toutes ces belles idées en place, évidemment, mais qu'au final, cela restera la même frange éclairée qui bénéficiera de nos "nouveaux" services. Ce n'est pas ce que je veux.

Ma religion est faite. Ma mission est de faire en sorte que des choses puissent se produire. La vraie rencontre d'un lecteur et d'un document, ou d'un autre lecteur c'est souvent le hasard, ça se produit rarement, mais je me serais arrangé pour mettre en place les conditions qui font qu'elle PUISSE arriver.

Et le premier qui me traite de facilitateur social, je lui allonge un bourre-pif.
Anonyme a dit…
La grosse impression que j’ai à ta lecture, c’est que tu te places à la fois comme défenseur(e?) de la culture et défenseur(e?) d’un mode de consommation, celui habituel des bibliothèques.

Défendre la culture, c’est louable, imposer un mode de consommation de la culture, ça me paraît plus discutable. Qu’en penses-tu ?

Et pourtant, les bibliothèques ont déjà fait des efforts pour en sortir (discothèque, marmothèque, heure du conte, rencontres, accès Internet etc.)

Peut-être y aura-t-il un jour une petite salle home vidéo diffusant des films (culturels) et offrant des pistes pour prolonger l’expérience par des lectures ou des écoutes de disques ?

Je pense qu’une grosse part du rejet de l’idée de 3e lieu vient de la connotation péjorative que le bar a en France et qui est beaucoup moins familial qu’un pub anglais.

DLH : « À part dans la mienne qui doit être un cas à part, j'aimerais bien voir des amours, des amitiés prendre naissance à la bibliothèque mais en 20 ans j'ai jamais vu… »

Ils doivent probablement se cacher de peur que tu leur dises « C’est pas l’endroit pour ça ! » ;-)

François : « si les gens ne sont pas utilisateurs des médiathèques, c'est parce qu'ils ont une vie de merde, des horaires à la con et que les temps sont durs… »

Dit autrement, j’en déduis que ce ne sont pas les biblio/médiathèques qui ne sont pas adaptées au public mais le public qui n’est pas adapté à ces structures… aïe !
François Lemarchand a dit…
@zigazou :

Peux tu donner un exemple de film pas culturel ? ;)

Sur le fond, ta déduction est biaisée par la paille que tu vois poutre dans notre oeil. relis :
1) j'ai pas parlé du public, c'est écrit : les gens
2) j'ai pas parlé des gens, j'ai parlé de la vie des gens

Ce que je dis, un peu crûment, il est vrai et m'en excuses, c'est que c'est un peu couillon de faire des troisièmes lieux je sais pas quoi, quand déjà la grande majorité de la population aimerait passer plus de temps dans le second.

Pour critiquer un propos, c'est tellement plus simple de le dire autrement... Ne nous gênons pas :)
On s'en moque du terme "3e lieu", tu problématises un truc pourtant très simple et naturel : améliorer le lieu, l'accueil, le confort. C'est pas exubérant ni sorcier comme mission, non?

Ensuite, faciliter les rencontres, les échanges, entre personnes et les documents et aussi entre personnes tout court. Juste faciliter, idem ni fou ni incroyable, et totalement dans nos missions traditionnelles.

Peu importe l'habillage avec des termes à la mode comme "3e lieu" ou "reseau social", ce que je propose par exemple sur http://www.jvbib.com/blog/index.php/hybridation-entre-bibliotheque-3eme-lieu-et-opac-reseau-social-gunpei-yokoi-sors-de-ce-corps/ , ça n'a rien de nouveau, c'est juste améliorer ces 2 points : l'accueil sur place, et faciliter les rencontres. Je ne vois même pas comment on peut hésiter à, se demander si, etc.
On s'en moque du terme "3e lieu", tu problématises à fond un truc pourtant très simple et naturel : améliorer le lieu, l'accueil, le confort. C'est pas exubérant ni sorcier comme mission, non?

Ensuite, faciliter les rencontres, les échanges, entre personnes et les documents et aussi entre personnes tout court. Juste faciliter, idem ni fou ni incroyable, et totalement dans nos missions traditionnelles.

Peu importe l'habillage avec des termes à la mode comme "3e lieu" ou "reseau social", ce que je propose par exemple sur http://www.jvbib.com/blog/index.php/hybridation-entre-bibliotheque-3eme-lieu-et-opac-reseau-social-gunpei-yokoi-sors-de-ce-corps/ , ça n'a rien de nouveau, c'est juste améliorer ces 2 points : l'accueil sur place, et faciliter les rencontres. Je ne vois même pas comment on peut hésiter à, se demander si, etc.
Ewan a dit…
Bien que l'idée de 3e lieu soit séduisante, je rejoins l'analyse de François et je dirais même plus que passer plus de temps chez soi, c'est passer moins de temps au boulot. Et en soit, passer plus de temps chez soi c'est surtout passer plus de temps avec les siens chez soi, à la bibliothèque, à la piscine, dans une activité sportive et pourquoi pas dans un centre commercial. Le "troisième lieu", en fait, c'est l'extérieur en général, non ? Essayer d'appliquer ce concept de troisième lieu à la bibliothèque seule signifierait que les bibliothécaires n'ont jamais essayé auparavant de rendre accueillante leur bibliothèque alors qu'il me semble que c'est ce que nous essayons de faire tous les jours en cherchant une solution pour offrir au public une solution Internet satisfaisante (Wifi, filaire... ;)), en acquérant les documents suggérés ou dont on parle (et qu'on n'aurait jamais acheté), en essayant d'élargir nos horaires d'ouverture, en proposant des animations (au succès souvent très relatif), etc.
Bref, je serais assez favorable pour qu'on y mette un bar dans ma bib (le lieu est d'ailleurs déjà prévu mais ne sert que ponctuellement...) et pourquoi pas une salle de jeux vidéo. Mais qu'on l'assume pour de bon et qu'on nous donne les moyens humains et financiers (bordel !) : nos mairies sont-elles prêtes ? Aurait-ce une réelle influence sur l'accès à la culture que nous souhaitons ? Le problème, comme toujours, est sociétal : nous trouverons toujours un public "classe moyenne" pour profiter des services que nous développons pour un public qui, cassé par une journée de boulot, préférera (et je le comprends) se reposer tranquillement chez lui ou décompresser dans un bar, sans penser à la journée qui vient...
Mais haut-les-coeurs ! Continuons le combat, imaginons, expérimentons, échouons, réessayons, améliorons : je suis persuadé que de toute façon, la bibliothèque comme "troisième lieu", c'est une mission intrinsèque à notre métier. Qui ne tente rien n'a rien. Ne rien avoir à regretter. Service public un jour, service public toujours ! ;)
eric1871 a dit…
Je partage les vues de François, et Ewan soulève un point juste : très souvent le 3e lieu, c'est le centre commercial...
Y'a qu'à regarder où on trouve des groupes de jeunes.
Cependant, j'ai quand même l'impression que la médiathèque est le 3e lieu pour un petit nombre de gens. Ceux qui viennent tous les jours, ceux qui parlent à tout le monde, ceux qui sont à toutes les animations. Ceux qui passent facilement 4h dans la journée à rester là.
Mais même en ouvrant (presque) 7 jours sur 7, les gens trouvent les horaires inadaptés (faites des nocturnes et vous vous retrouvez seuls et désoeuvrés). Si on développe le wifi, on a du monde mais chacun s'enferme dans sa bulle avec son écran.
C'est pas facile... Je crois surtout qu'on peut pas être le lieu unique et qu'il faut pas qu'y ait un abandon d'autres lieux de socialisation plus commerciaux, plus axés sur le loisir etc.
François a dit…
Je m'en veux carrément. J'ai mal parlé à Zigazou, alors que c'est pas le style de la maison.

Ce que je voulais dire c'est que cette histoire de 3ème lieu, c'est du discours. Aujourd'hui ça porte un nom : "les éléments de langage". En gros, c'est les mots que tu devras mettre dans le dossier pour avoir la subvention.

Je me rappelle une scène des conférences gesticulées de Lepage :
"Notre projet s'inscrit dans une logique de territoire et s'inscrit dans des synergies de développement transgénérationnelles" : Subvention !!! et "Le projet de la MJC des Tarterets est que les enfants soient heureux et passent de bonnes vacances" : 0 Euros.

Je sais ça peut paraître un peu caricatural, mais j'ai bien peur que ce soit là qu'on en soit rendus.

Vous pouvez critiquer, là, facilement. je ne me cache pas d'être sur des bases d'Education Populaire, et même de dire que les CEMEA ont été très importants dans la construction de ma vision du métier. J'ai pas honte.

Seulement voila, d'où viennent ces éléments de langage ? Qu'est-ce qu'on cherche à nous dire et où va-t-on ?

Ca pourrait nous emmener loin (Au fait DLH, y'aurait-y moyen d'agrandir la case des commentaires ?).

Je pense que Zigazou a raison et que je suis un abruti : le public ne doit pas s'adapter aux bibliothèques, c'est elles qui doivent s'adapter à lui, c'est une évidence pour un Service Public (notez l'emploi des majuscules).

D'où la question essentielle qui n'arrête pas de me turlupiner en ce moment : "Les bibliothèques peuvent-elles et ont-elles jamais été des outils de transformation de la société ?"

Après tout, elle sont neutres, elles sont une bulle intemporelle et voila que le monde se rappelle à nous car la bulle se vide et que le temps va plus vite d'un coup.

On est pas sortis du sable, mais de grâce, rappellons nous que nous sommes des humains, faillibles, mais ô combien précieux.

Le discours n'est rien. Nous ne verrons jamais l'effet de ce que nous faisons, ça j'en suis sûr. Mais j'ai envie d'y croire. Oh putain oui, que j'ai envie d'y croire.
Sophie Bib a dit…
Je reponds à chaud aux premiers coms mais je n'ai pas encore lu les autres...
@Zigazou, @François et @jvbib : oui tu as raison je me débats avec mes contradictions, d'un côté mon envie de faire avancer les choses et de l'autre mon côté vieille bibliothécaire qui n'a pas envie de faire n'importe quoi sous prétexte de concepts branchouilles et d'y laisser mon âme !
Je rejoins François : pas envie d'avaler des couleuvres pour masquer la triste réalité de réductions budgétaires ou de pensées étriquées. J'ai le sentiment que quand les gens viennent à la bib, c'est pas pour y boire ou manger (cela ne veut pas dire que je sois contre je trouve seulement cela ACCESSOIRE) J'ai plutôt le sentiment qu'ils viennent pour se changer les idées et ne pas y retrouver leurs pbs quotidiens d'ou mon rejet du concept anglos-saxon comme la permanence de l'assistante sociale ou de l'ANPE.
Cependant j'ai le sentiment de rester ouverte c'est pourquoi c'est vrai j'ai provoqué le débat pour y trouver de nouvelles façons de penser et @jvbib j'ai beaucoup aimé ton billet notamment la partie sur les comptes lecteurs et la communauté réelle à créer autour et au sein de la bibliothèque, je trouve ton idée brillante et intelligente et concrète. Je le redis je me suis juste énervée contre l'effet d'annonce de ce concept tendance dont on nous saoule déjà et qui n'a rien de révolutionnaire mais qu'on nous présente comme tel, dans lequel on peut caser le pire et peut être le meilleur...
francebib a dit…
... tout le monde a dit des trucs hyper intelligent ... moi j'étais venue faire une remarque légère. pour voir du lien, de l'amour et des larmes il faut bosser avec des étudiants. je me réjouit chaque année de voir les approches, les couples se former, le choix stratégique de la place etc ...

sur le 3° lieu, je bosse dans une bibliothèque mais je n'en fréquente plus à titre perso par ce que horaires très changeants, collections pauvres, livres en mauvais état voir sales, certains agents d'accueil parfois franchement hostiles ...
Sophie Bib a dit…
@françois : je clique sur "un j'aime" virtuel pour ton dernier com'
Cyrz a dit…
Dans les coms' il y a toujours un gars chiant qui casse l'ambiance : voilà un document de synthèse sur la notion http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-21206 ... L'intérêt de la notion est de pouvoir expliquer aujourd'hui à l'heure de Google à mes élus l'évidence d'un projet de construction dans une ville de 85 000 habs sans équipement digne de ce nom...
François Lemarchand a dit…
@cyrz : J'espère que ça va marcher : la vraie vie commence après le dernier plateau de petits fours :)
Anonyme a dit…
Bonjour,

Je suis désespérée par la tournure que prend la nouvelle formule des nouvelles médiathèques.

C'est devenu un lieu de passages, de bavardages, de jeux, etc.. une sorte de forum où l'on se retrouve au chaud avec des places assises équipées de prises électrique pour recharger son portable et des tables pour engloutir son sandwich et sa boisson délivrée par la machine à café dans un bruit infernal.

Impossible de trouver un emplacement calme pour s'isoler et travailler ou lire au calme.

Mr Erik Orsenna qui privilégie la médiathèque pour promouvoir la mixité, c'est trompé de lieu. Les bibliothécaires ne sont pas là pour faire la police dans les salles.

Tout le monde ne peut pas avoir un lieu d'étude et de travail comme la Bibliothèque Nationale, comme M Orsenna.

Je viens d'assister aujourd'hui à un clash entre un usager et une bande de jeunes bruyant. Je ne vois dans cette nouvelle organisation des Médiathèques que la généralisation de frictions et de frustration des usagers.

Pat.

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